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Alumni
08 June 2011

Un genevois pragmatique à New-York

Spécialiste des droits de l’homme et des multinationales aux Nations Unies, Gérald Pachoud n’est pas le chevalier blanc qui va forcer le grand capital à «sauver la veuve et l’orphelin».

Il est plutôt le «facilitateur» qui va l’inciter à le faire.

«Est-ce que mon travail va changer le monde de demain? Non, lance-t-il sans détour dans un café new-yorkais. Mais je trouve fascinant d’essayer de progresser et de développer des politiques. Associer les compagnies et les Etats nous donne de nouveaux leviers d’action pour faire respecter les droits de l’homme. Plus il y aura de stabilité dans le monde, plus il y aura de marchés et moins il y aura de pressions migratoires.»

A la fin du mois, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies devrait adopter les principes directeurs sur lesquels il travaille depuis six ans avec John Ruggie, un professeur de droit à Harvard. Dans ce texte qui n’est pas juridiquement contraignant, beaucoup de conditionnel. Gérald Pachoud défend cependant le côté novateur de ce mariage public-privé pour la défense des libertés individuelles. «Cela semble prétentieux, mais John Ruggie a créé quelque chose de nouveau. Il était intéressant d’être associé à ce processus. Je ne sais pas s’il va marcher. On a fait tout ce qu’on a pu pour que le système soit le plus robuste possible, mais ce n’est pas la fin de l’histoire.»

La grosse machine onusienne

On imagine aisément la vision de ce Genevois – né à Lausanne il y a quarante-trois ans – hérisser le poil des ONG: «Certaines ont une approche romantique mais absolutiste des droits de l’homme et adhèrent moins à mon travail. Mais la plupart des ONG voient le rôle que quelqu’un comme moi peut jouer.» Il ajoute: «Si on est uniquement pragmatique dans le mauvais sens du terme, on vire assez vite au cynisme. Mais si on n’est que dans le romantisme, on a peu de rapport avec la réalité. C’est une question d’équilibre et d’addition.»

Gérald Pachoud s’approprie la formule de John Ruggie, son patron, qui parle de «pragmatisme avec des principes». Il souligne l’importance des «gensqui fontpression sur le système» mais rappelle qu’il en faut aussi qui le fassent fonctionner, et «si possible dans le bon sens».

Ce pragmatisme a été recouvert d’une fine couche d’idéalisme à une époque. «J’ai eu 20 ans comme tout le monde, glisse-t-il dans un éclat de rire qui accentue son accent genevois. Mais ce qui m’a intéressé depuis le début, c’étaient les processus et comment on arrive à influencer le changement. Quand j’ai commencé à travailler sur les questions des droits de l’homme, c’était dans cette perspective-là. Je ne suis pas passé par une ONG ni par une phase romantique.» Il ne cite pas non plus de philosophes ou de penseurs qui auraient pu influencer sa conception. «Je n’ai probablement pas assez lu pour ça.» Il décrit son approche avec des mots de chef d’entreprise: «Il faut toujours faire des concessions, mais ce qui est intéressant, c’est d’arriver à maximiser sa position.»

Au-dessus de lui, un haut-parleur déverse un flot ininterrompu de house music commerciale, mais on écoute assidûment ce diplômé de l’Institut de hautes études internationales à Genève quand il défend «par l’absurde» l’utilité de la «grosse machine» onusienne: «Que ferait-on si les Nations Unies n’existaient pas? Nous avons besoin d’un endroit où les gens se parlent. C’est frustrant, car ça avance lentement et il y a des rapports de force, mais c’est le reflet de la vie.»

Bye-bye,Manhattan…

La page new-yorkaise va bientôt se tourner pour celui qui vit à Manhattan depuis deux ans avec sa femme et son fils, Marcus, 6 ans. Son mandat arrive à son terme en juin et il se prépare à rentrer en Suisse. Son ambition? «C’est très dangereux comme question, car en général je réponds: continuer à m’amuser. Mais ce n’est pas très sérieux de dire ça. J’aimerais continuer à développer des politiques, faire quelque chose d’intéressant et si possible d’utile.»

Bio express

1967 6 septembre, naissance à Lausanne.
1991 Licence en relations internationales.
1993 DES en droit international à l’Institut de hautes études internationales.
1999 En mai, arrivée à Berne au Secrétariat d’Etat pour les Affaires économiques.
2001 Il fait ses débuts au Département des affaires étrangères.
2005 Entrée à l’ONU, conseiller spécial de John Ruggie, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour les questions des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.
18 juin 2011 Fin du mandat onusien.

De Jean-Cosme Delaloye, New-York in Tribune de Genève, 17 mai 2011

 

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