news
Alumni
20 April 2011

Tahar Houchi: le roi berbère du film oriental

La vie de cet Alumnus ne ressemble pas à un long fleuve tranquille. Et pourtant, il y a de la quiétude dans son regard. Un apaisement assimilable à une forme de sagesse.

Pour la sixième fois, Tahar Houchi tient les rênes du FIFOG, le Festival international du film oriental de Genève (jusqu'au 17 avril). Un rendez-vous auquel le public commence à s'habituer. Il y a de plus en plus de monde chaque année. «Ce qui veut dire que pour nous, la barre est toujours plus haut», souligne Tahar Houchi. Victime de son succès? N'allons pas jusque-là. «En gros, cela crée plus d'attentes, demande plus d'argent, plus de tout. Mais depuis cette année, nous avons signé une convention avec la Ville de Genève. »

Pour le directeur artistique de la manifestation, tout a démarré en 1968. Année de révolution, celle où Tahar vient au monde en Kabylie. «Mon père travaillait en France et c'est ma mère qui s'occupait de nous. Jusqu'à l'âge de 3 ans, je ne parlais que le berbère. Puis j'ai appris le Coran sans en comprendre le sens. Ce n'est qu'en 3e primaire que j'ai commencé le français. Je me souviens qu'on nous apprenait des textes sur l'enfance. Il y en avait sur l'histoire de la Suisse. Sur Guillaume Tell, par exemple. Finalement, j'ai eu mon bac en 87-88. Mais j'étais déjà à Alger».

La conscience politique de Tahar s'était en effet réveillée au début des années 80. Un événement survenu dans sa vie à ce moment-là continuera à le marquer longtemps après. «Il s'agit du printemps berbère, le 20 avril 1980. La férocité, la répression et la violence de l'Etat algérien à l'égard des étudiants et de la population kabyle ont définitivement rompu ma naïveté et mon insouciance infantiles. Cela m'a amené à intégrer l'idéologie étatique sans me laisser désintégrer. J'absorbais toute une littérature clandestine et parallèle. Tout cela a bien sûr aiguisé mon sens de l'observation».

La peur des images

Tahar commence alors à s'intéresser au cinéma. «Mais assez tard, puisque les premières images, nous n'avons pu les voir qu'en 1977 à la télévision. Avant, il n'y avait pas d'électricité dans mon village. La première fois, j'ai même eu très peur. Je croyais que les gens allaient sortir de l'écran». Expérience similaire à celle que les premiers spectateurs des frères Lumière ont pu éprouver à la fin du XIXe siècle. «J'étais intrigué par les images. Comme les cinémas fermaient les uns après les autres, il fallait visionner des VHS». La naissance de sa passion pour le septième art est donc à situer dans ces eaux-là.

Arrivée à Genève

«Mais j'ai d'abord passé ma licence, en lettres et en linguistique. Puis j'ai accompli mon service militaire. Dans le désert, sur les traces d'Isabelle Eberhardt. Par un heureux hasard, c'est à peu près à cette période qu'on m'a remis une adresse en Suisse pour décrocher une bourse. Alors j'ai déposé un projet destiné à l'Institut. C'est ainsi que j'ai débarqué à Genève en 1997. »

Tahar Houchi sortait de la guerre et respirait enfin. «Mon travail à Genève m'a poussé à réfléchir sur le sens de l'image. Au bout de deux ans, j'ai terminé avec l'Institut.(…) Je suis reparti à Lyon faire un DEA de littérature. En parallèle, je continuais à faire du journalisme freelance pour des médias algériens. J'ai alors décidé d'écrire sur le cinéma. Je pouvais ainsi parler de politique à travers les films».

Dans ce même esprit, Tahar Houchi monte d'abord un festival à Valence, en Espagne, sur le thème de l'intégration. Le FIFOG ne tarde pas à voir le jour. Il le porte à bout de bras, tout en travaillant pour Filmar en Amérique latine et en sillonnant les autres festivals. Pas assez pour en vivre entièrement, cependant. En parallèle à toutes ces activités, il continue à faire des remplacements dans le secondaire.

De Pascal Gavillet in Tribune de Genève, 15 avril 2011

 

var addthis_config = {"data_track_clickback":true};