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L'Institut
04 December 2019

L’immobilier, pari gagnant de l’IHEID

L’Institut de hautes études internationales et du développement investit dans ses murs depuis
les années 2010. Une politique volontariste qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Après la Maison
des étudiants Edgar et Danièle de Picciotto, une nouvelle résidence universitaire verra le jour en
2020 au Petit-Saconnex.

Maison de la paix, Maison des étudiants, un chapelet de villas au bord du lac: en quelques années, l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) a constitué un patrimoine immobilier important. Une démarche inhabituelle pour une institution académique, mais qui se révèle un pari gagnant. Une nouvelle bâtisse s’apprête d’ailleurs à compléter le bouquet de l’institut: une résidence étudiante de 650 chambres au sein de la Cité internationale du Grand Morillon, au Petit Saconnex. Aujourd’hui en plein chantier, le bâtiment devrait être inauguré à la rentrée universitaire 2020.

Investir dans les murs pour moins dépendre des subventions de la Confédération et du canton: c’est avec cette intention que l’IHEID amorce une politique immobilière volontariste au tournant des années 2010. «En tant qu’institut privé, nous possédions une vulnérabilité intrinsèque, il était donc nécessaire d’assurer la pérennité de nos activités en diversifiant nos sources de revenus», détaille le directeur, Philippe Burrin, inspirateur de cette nouvelle orientation, qui cédera sa place à l’été 2020.

Avec la Maison des étudiants, inaugurée en 2012, grâce au soutien d’Edgar et Danièle de Picciotto, l’institut réalise son premier succès immobilier, basé sur un partenariat public-privé. La Maison de la paix, qui héberge les activités de l’IHEID mais aussi trois centres de la Confédération, suivra en 2014.

«A chaque fois, l’institut a pris sa part du risque en montrant qu’il s’agissait de projets stratégiques pour lui et qu’il entendait être un partenaire fiable et efficace.» Une politique fructueuse. Si la fortune de l’IHEID se limitait à 50000 francs en 2004, celle du nouvel institut devrait bientôt dépasser les 300 millions de francs.

Nouveau pôle international

Quant aux fonds publics, ils représentent désormais environ 36% de son budget, contre 60% en 2008. Les investissements immobiliers ne suffisent toutefois pas à expliquer cette croissance, il faut aussi considérer le fort développement des contrats de recherche, des mandats d’expertise, des revenus de la formation continue ou encore des dons philanthropiques dont bénéficie l’IHEID.

La future Cité internationale du Grand Morillon verra le jour à quelques jets de pierre de l’ONU, à l’angle entre la route de Ferney et la route des Morillons. Elle est pensée comme un pôle de la Genève tournée vers l’extérieur. Outre la résidence universitaire de l’IHEID, le lieu abritera le nouveau siège de Médecins sans frontières et un bâtiment de la Fondation Terra et Casa qui hébergera des fonctionnaires internationaux. Au coeur du Jardin des Nations, la résidence sera avant tout destinée aux étudiants de l’institut, souvent boursiers, qui viennent du monde entier et ont souvent de la peine à trouver un logement à Genève.

Réalisé par l’architecte japonais Kengo Kuma, lauréat de l’appel d’offres parmi une trentaine de projets, le bâtiment de l’IHEID est pensé comme un lieu de vie, pas un simple dortoir. «La nouvelle résidence se distingue par son caractère communautaire, souligne Philippe Burrin. Elle offrira une série d’espaces partagés tels que de grandes cuisines, un café, une salle de sport, des salles d’étude et de réunion, sans oublier une terrasse panoramique avec vue sur le lac et le Mont-Blanc.» Le tout sur une parcelle de 10000 m2. Coût du projet: 100 millions de francs financés par une discrète fondation privée qui a accordé un droit de superficie de 99 ans.

Rénovation du domaine Barton

Le nouveau modèle de financement de l’IHEID ne va cependant pas sans faire grincer des dents. Est-ce le rôle d’un institut universitaire que de faire de la promotion immobilière? Pour Philippe Burrin, la critique est infondée. «Notre but est de pouvoir accueillir des étudiants qui, dans leur très grande majorité, viennent de l’étranger, détaille-t-il. Nous le faisons avec l’aide de mécènes qui comprennent l’importance de cet objectif et souhaitent investir dans des projets à long terme. Nous utilisons leur soutien à la fois pour offrir des logements à un prix inférieur au marché et pour donner à l’institut un revenu qui accroît et diversifie ses sources de financement et sert, en définitive, à la qualité de la formation des étudiants par la création de bourses et de chaires.»

Le directeur bâtisseur a-t-il abattu sa dernière carte avec la nouvelle résidence du Petit-Saconnex?  Pas tout à fait. «Nous allons débuter prochainement la rénovation du domaine Barton, ancien siège de HEI au bord du lac, qui comprend la villa Barton et cinq pavillons datant des années 1960», précise Philippe Burrin. L’institut vient de conclure un accord avec la Confédération, propriétaire, pour racheter les bâtiments et payer un droit de superficie. «La rénovation devrait permettre, d’ici à la fin de 2021, de doter ce domaine qui sert principalement à notre formation continue d’un niveau de qualité comparable au reste de notre parc immobilier et de terminer ainsi en beauté la construction du Campus de la paix», se réjouit le directeur. Ici encore, un don a permis à l’IHEID de disposer des fonds propres nécessaires à un emprunt.  

Cet article rédigé par Sylvia Revello a été publié dans « Le Temps » le 2 décembre 2019.

Illustration: Image de synthèse de la nouvelle résidence étudiante de Kengo Kuma