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GLOBE
16 June 2020

Les étudiants brésiliens face à la discrimination positive

Camille Giraut, doctorante en anthropologie et sociologie, apporte un éclairage sur la perception et la compréhension par les étudiants brésiliens de la mise en place de quotas raciaux.
 

Quel est le sujet de votre thèse ? 

La transnationalisation des droits humains a connu un tournant décisif dans les années 1990, avec la mise en place de politiques publiques d’affirmative action (discrimination positive) pour les groupes historiquement discriminés dans plusieurs pays. Au Brésil, la transformation a été particulièrement frappante, avec le passage d’une négation de la discrimination raciale à l’adoption de quotas raciaux qui s’adressent aux personnes noires (preto), métisses (pardo) et indigènes (indigena). Dans ce contexte, ma thèse vise à éclairer comment les étudiants brésiliens perçoivent et comprennent les différents objectifs associés à la mise en place des quotas et comment ils se situent par rapport à eux, en faisant ou non le choix d’en bénéficier lors de leur entrée à l’université. 

Quel est l’intérêt académique de votre recherche, et son intérêt plus général ? 

Les quotas ont permis à toute une génération de personnes socio-économiquement marginalisées d’accéder à l’université, mais cela ne va pas sans controverses, notamment autour de la définition des groupes bénéficiaires. Des accusations de « fraudes raciales » ont surgi à partir de 2016, entraînant la création de commissions dites de « vérification de l’autodéclaration raciale des candidats » dans les universités. Cela pose de nombreuses questions et conduit à une redéfinition des catégories raciales. Plus largement, le cas brésilien peut éclairer comment les politiques de discrimination positive fournissent des structures pour l’auto-identification, la mobilisation et la contestation des catégories ethnoraciales.

Quels sont à ce stade vos principaux résultats ? 

Mes premières observations montrent qu’il y a une compréhension plurielle des différents objectifs associés à la politique des quotas raciaux : la réparation de l’esclavage, le fait d’activer une « conscience noire » pour rompre avec l’idéologie du métissage, le fait de lutter contre les discriminations raciales dans un sens strict, en prenant en compte seulement l’apparence de la personne concernée, etc. La plupart des étudiants rencontrés essaient de se situer individuellement à partir de leur compréhension des différents objectifs de la politique. Ils prennent en compte toute une série de critères liés à la couleur de peau, à la classe sociale, à l’environnement familial, etc., afin d’estimer s’ils peuvent légitimement bénéficier de cette politique. 

Qu’avez-vous trouvé de particulièrement intéressant ? 

L’arrivée au pouvoir d’un président d’extrême droite constitue une menace très sérieuse pour les acquis sociaux, et notamment pour les politiques mises en place dans le domaine de l’éducation. Cela donne lieu à de nouvelles alliances entre différents groupes militants et collectifs, y compris au sein des universités.  

Cet article a été publié dans Globe, la revue de l'Institut