Né en 1936 à Budapest, Andràs November est arrivé en Suisse comme réfugié politique en 1956, après l’intervention des troupes soviétiques pour écraser la révolution populaire hongroise. Apprenant le français en un temps record, il reprend ses études universitaires à Genève, faisant dans la foulée sa licence et son doctorat en sciences politiques à l’Institut de hautes études internationales (IUHEI). Pour financer ses études, il travaille notamment comme assistant de recherche au Bureau international du travail (BIT) sur les syndicats africains. C’est à cette occasion qu’il commence à s’intéresser aux problèmes économiques et sociaux des pays en voie de développement. Cela l’amène à faire sa thèse de doctorat sur L’évolution du mouvement syndical en Afrique occidentale, publiée en 1965 aux éditions Mouton. Cette dernière attire l’attention de Pierre Bungener, directeur de l’Institut africain de Genève créé en 1961, qui lui offre d’y assurer une charge de cours. Il est ensuite nommé professeur associé en 1973, quand l’Institut africain devient Institut d’études du développement (IED), puis professeur ordinaire en 1978, après la transformation de l’IED en Institut universitaire d’études du développement (IUED), où il mènera toute sa carrière universitaire jusqu’à sa retraite en 2001.
Dans son enseignement, Andràs s’est d’abord concentré sur la question des transferts de technologie Nord-Sud puis, dans une perspective assez visionnaire, il a été parmi les premiers à offrir des cours et séminaires sur l’approche écologique du développement. Ses étudiant·es venant de tous les horizons gardent de lui le souvenir d’un professeur extrêmement empathique mais exigeant, très apprécié et respecté. Ses recherches ont débouché sur plusieurs ouvrages, parmi lesquels on citera Les médicaments et le Tiers Monde, publié en 1981 aux éditions Favre, et Du socialisme à l'économie de marché : errances de la transition, paru sous sa direction en 2001 aux Presses Universitaires de France, dans l’emblématique collection des Cahiers de l’IUED. Plusieurs de ses nombreux articles scientifiques ont d’ailleurs été publiés dans cette collection et il a souvent collaboré avec l’équipe rédactionnelle des Cahiers, lui apportant ses vastes connaissances, sa curiosité intellectuelle, son ouverture d’esprit et son humour subtil. Un seul souvenir à cet égard : c’est lui qui a trouvé le titre superbe du numéro des Cahiers publié en 1984 sur l’analyse du concept de crise économique : Crise et chuchotements, hommage déguisé à Ingmar Bergman.
À côté de cette carrière universitaire bien remplie, Andràs November s’est aussi fermement engagé pour ses idées dans la vie politique genevoise, où il a été au début des années 1980 l’un des fondateurs du Parti écologiste genevois, devenu plus tard Les Verts, pour lequel il a siégé comme député au Grand Conseil pendant deux législatures de 1985 à 1993.
Ses collègues garderont de lui l’image d’un homme d’une exquise gentillesse, d’une culture humaniste raffinée très « Mitteleuropa » et d’une grande élégance d’esprit et de comportement, qui cachait sous des dehors discrets et pudiques un esprit brillant dont la tolérance innée ne l’a pas empêché de cultiver de solides convictions pour lesquelles il s’est farouchement battu, sans jamais perdre son sens de la nuance et de l’humour. Sa disparition attriste toutes celles et ceux qui ont eu le plaisir de travailler avec lui ou de le côtoyer. La Direction et le personnel enseignant et administratif de l’Institut compatissent à la peine de ses enfants, Valérie et Philippe, de ses petits-enfants, Loïc et Timéa, ainsi que de toute sa famille et de ses ami·es proches.
Jean-Luc Maurer
Professeur honoraire à l’Institut
Directeur de l’IUED de 1992 à 2004