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Global health centre
11 November 2014

Ebola – un équilibre délicat

Quelles leçons avons-nous tiré de l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest? La réponse est courte : « Rien de nouveau ». C’est ce qu’a répondu Elhadj As Sy, Secrétaire Général de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FIRC) lors du débat public organisé par le Programme de santé globale le 10 novembre intitulé « Lutte contre les épidémies : premières leçons tirées d'Ebola ».

Nous sommes conscients de l’importance de disposer de systèmes de santé solides et résistants, en mesure de réagir efficacement face aux menaces pesant sur la santé. Presque quatorze ans après la signature de la Déclaration d'Abuja, dans laquelle les pays de l'Union africaine se sont engagés à allouer au moins 15 % de leur budget national pour leurs systèmes de santé, seulement quelques pays ont réussi à atteindre cet objectif. Marie-Paule Kieny, Directrice Adjointe pour les Systèmes de santé et l’innovation à l’OMS, a déclaré qu'il était nécessaire de reconnaître que la gravité de l'épidémie est une conséquence importante de la faiblesse des systèmes de santé.

D’après As Sy, la mise en place d’un système de santé moderne implique que les gouvernements puissent assurer l'accès à des soins de qualité et la disponibilité des médicaments. Selon lui, une préoccupation importante lors du processus de reconstruction à venir est de rétablir la confiance de la population. Le Secrétaire Général de la FIRC a souligné qu’il faut accorder une haute priorité au renforcement des systèmes de santé, au soutien et à la protection des travailleurs de la santé afin de garantir que l'accès aux soins puisse continuer à être fourni à l’ensemble de la population.

Une des leçons retenues lors de cet évènement, qui a eu lieu dans le contexte de la Formation de haut niveau « Diplomatie et Santé » organisée par le programme de santé globale à l’Institut, est que la diplomatie en santé au sein de réseaux et entre ces derniers est d’extrême importance. Antoine Flahault, Directeur de l'Institut de santé globale de l'Université de Genève, a encouragé l'utilisation de la diplomatie en santé et d’une approche pangouvernementale tout en soulignant que l'épidémie n’affecte pas seulement les indicateurs épidémiologiques, mais qu’elle peut être un désastre pour l'économie, les systèmes de santé, ou encore les infrastructures. La coopération intersectorielle doit donc faire partie de la solution.

Or, la promotion de la santé étant essentielle, les stratégies de prévention ont malheureusement manqué lors de la réponse initiale à l’épidémie. Hygiène et assainissement sont également reconnus comme étant fondamentales à la santé publique et à la prévention de la propagation des épidémies. Thomas Nierle, Président de Médecins Sans Frontières (Suisse), a soulevé la question suivante : Quand est-il de la mise en œuvre du Règlement sanitaire international (RSI)?

En effet, un facteur souligné lors du débat était le clair besoin d'avoir une meilleure communication et une meilleure coordination. Dès le début de l'épidémie, MSF n’a cessé de partager son inquiétude face aux risques de propagation et à la gravité de l’épidémie en Afrique de l'Ouest, en attirant l'attention des médias internationaux sur la menace potentielle pour la sécurité sanitaire mondiale. Dans un communiqué de presse dès le 31 mars 2014, Mariano Lugli, coordinateur du projet MSF à Conakry a déclaré : « Nous sommes confrontés à une épidémie d’une ampleur encore jamais vue par la répartition du nombre de cas sur le territoire... ». L’épidémiologiste Michel Van Herp a également alerté sur le taux de mortalité de 90% de la souche Zaïre. Entre mars et août, l'OMS a déployé près de 400 personnes appartenant à l'Organisation ou travaillant pour des partenaires du Réseau mondial d’alerte et d’action en cas d'épidémie (Global Outbreak Alert and Response Network - GOARN) afin de répondre à l’épidémie. Mais c’est seulement le 8 août 2014, lors de la première réunion du Comité d'urgence du RSI, que l’OMS a déclaré l’épidémie d’Ebola une urgence de santé publique de portée internationale (USPI).

Nierle et As Sy ont tous deux noté que dans les premiers jours de l'épidémie, leurs organisations ont trouvé quelques amis sur le terrain. Nierle a fait remarquer qu’il n’avait pas eu de vraie mobilisation avant que le virus sorte d’Afrique de l'Ouest. A ce moment-là, la frénésie médiatique entourant l’Ebola a conduit à ce qu'il a appelé une « épidémie de paranoïa en Occident ». Cette panique a fait place à la prudence et la rationalité, alors que l'accent devait être mis sur la dissipation des mythes et l’atténuation de la stigmatisation dans le but de promouvoir le volontariat, qui a joué un rôle essentiel dans la réponse.

C’est là où il faut parvenir à trouver un équilibre délicat. Le grand défi pour les organisations est d'attirer suffisamment d'attention à l’épidémie tout en évitant simultanément d’être accusé d'alarmiste. En outre, Flahault a mis en garde de la mauvaise utilisation des données statistiques et des projections. Par exemple, l'attention des médias tend vers le nombre cumulé de cas qui n’arrêtent pas d’augmenter, alors qu’il y a d’autres indicateurs plus significatifs comme la baisse du nombre de nouveaux cas. De plus, les projections, qui sont utilisées pour tenter de prévoir la propagation éventuelle de l'épidémie afin d'adapter la réponse, risquent de compromettre la confiance dans les chercheurs et les organismes internationaux. Si la projection est trop élevée (comme ce fut le cas avec la grippe porcine au Mexique en 2009), les pays peuvent ne pas apprécier une inutile intensification ou pire ne pas tenir compte des projections et des avertissements à l'avenir. Si la projection est trop faible, la réponse peut être terriblement inadéquate.

Voici quelques considérations pertinentes parmi tant d'autres en ce moment. Finalement, même si nous n’avons pas tiré de « nouveaux » enseignements à ce jour, la tragique épidémie en Afrique de l'Ouest est une illustration de l'importance de la coordination, de la communication, de la diplomatie en santé et de la nécessité d’avoir des systèmes de santé nationaux solides.