L’Institut a créé en 2008, grâce à votre généreux soutien, la Chaire André Hoffmann d’économie de l’environnement. Aujourd’hui, vous signez avec l’Institut ce nouvel accord pour créer le Hoffmann Centre for Global Sustainability (HCGS). De l’environnement à la durabilité – pourquoi faut-il désormais élargir notre approche?
En 2008, avec la création de la chaire, notre objectif était de mieux comprendre les liens entre l’économie et la protection de l’environnement. À l’époque, les défis environnementaux étaient souvent perçus comme des problèmes distincts, que ce soit la pollution ou l’épuisement des ressources naturelles. Aujourd’hui, il est clair que ces défis sont profondément imbriqués avec des enjeux sociaux, économiques et de gouvernance.
C’est pour cette raison qu’élargir notre approche devient essentiel. La durabilité ne se limite plus à la protection de l’environnement ; elle englobe aussi les modes de vie, le bien-être des communautés et l’équité sociale.
Le HCGS est donc conçu pour être un centre où ces dimensions interdépendantes peuvent être étudiées et appliquées ensemble.
Et il ne s’agit plus seulement de limiter les impacts négatifs, mais de créer des solutions viables qui profitent à l’ensemble de la société.
Quelles sont les frontières que vous identifiez aujourd’hui en matière de durabilité et d’intégration des enjeux environnementaux et sociaux ?
Les frontières de la durabilité aujourd’hui ne sont pas définies par la nature elle-même mais par les limites de notre système opérationnel et de notre contrat social. Depuis longtemps, nous avons tenté d’imposer une vision purement humaine de la planète, avec l’idée que la création de valeur à court terme pourrait résoudre la majorité de nos défis. Ce mode opératoire montre désormais ses limites, notamment en matière de résilience environnementale et de cohésion sociale.
La véritable frontière est donc celle de notre propre capacité à évoluer vers des modèles économiques et sociaux qui intègrent pleinement la valeur de l’environnement et des relations humaines dans les processus de décision. Nous avons besoin d’une approche où la création de valeur se mesure aussi en termes d’impact durable, que ce soit pour les écosystèmes ou pour les communautés. Cela signifie repenser notre façon de produire, d’innover et de collaborer, en favorisant des pratiques qui respectent les limites planétaires tout en renforçant le bien-être des individus.
L’Institut est un acteur académique clé inscrit au cœur de la Genève internationale. En quoi ceci est-il un atout pour le nouveau centre ?
Genève est véritablement un carrefour mondial où convergent des courants diplomatiques, de développement, d’innovation académique et de conservation de la nature. La présence des Nations Unies et de leurs agences, la communauté des ONG, ainsi que les universités et écoles de commerce de premier plan, en font un environnement unique pour aborder les questions de durabilité dans une perspective globale.
Ce microcosme genevois offre des conditions idéales pour un centre comme le HCGS. Ici, les idées et les modèles de société peuvent non seulement être explorés en profondeur mais aussi discutés avec des actrices et acteurs qui ont une capacité d’influence au niveau mondial. C’est un lieu où la qualité des partenaires et des auditeurs garantit que les discussions ne restent pas théoriques, mais qu’elles se transforment en actions concrètes.
Vous venez de publier avec Peter Vanham, directeur de la rédaction à Fortune, un nouveau livre intitulé The New Nature of Business : The Path to Prosperity and Sustainability (Wiley). Quels en sont les messages clés ?
The New Nature of Business aborde les actions essentielles pour atteindre une prospérité durable, indispensable pour notre survie sur la planète. Ces actions reposent sur trois piliers principaux.
Le premier pilier est d’élargir notre compréhension de l’impact de nos activités non seulement sur l’environnement naturel, mais aussi sur les capitaux humain et social. Il s’agit de prendre en compte le retour sur ces trois types de capital, car leur équilibre est fondamental pour un développement durable.
Le deuxième pilier est la nécessité de préserver la nature, qui constitue le socle même de la vie sur Terre. Pour cela, nous devons lui attribuer une réelle valeur économique, afin que la protection de l’environnement ne soit plus une option mais une priorité économique.
Enfin, le troisième pilier est d’encourager les dirigeant·es à prendre des décisions éclairées et équilibrées. En leur offrant un cadre qui valorise autant l’humilité que le courage, nous pouvons les soutenir dans la mise en place de choix audacieux, mais responsables.
Ce livre propose ainsi une feuille de route pour réconcilier croissance et durabilité, en ancrant nos décisions dans une vision à long terme bénéfique pour tous et toutes.
Cet article a été publié dans Globe #34, la Revue de l'Institut.