Il a cofondé «Watch the Med», un site qui propose une carte interactive répertoriant les drames de l'immigration.
Réalisateur et chercheur binational suisse et américain de 32 ans, Charles Heller passe par l’Institut en 2003. Il consacre aujourd’hui son doctorat aux politiques migratoires en Méditerranée. Extraits d’un article paru dans le quotidien Le Temps le 7 janvier.
(…) «Aujourd’hui, la seule réponse des politiques pour freiner les naufrages en mer, c’est de renforcer les moyens financiers attribués à Frontex et à Eurosur, le tout nouvel outil de l’UE pour surveiller ses frontières externes», dénonce [Charles Heller]. «Les Européens se barricadent, veulent repousser les migrants vers leur pays. Cela ne résout rien. Au contraire». (…)
Charles Heller se fait un point d’honneur de passer chaque drame sous la loupe, de mettre en avant les responsabilités des Etats, signaler les navires qui n’ont pas porté assistance aux naufragés. De briser le silence.
Avec Lorenzo Pezzani, un collègue chercheur de l’Université de Goldsmiths à Londres, et dans le cadre d’un projet de Forensic Oceanography, il a notamment mis sur pied le site Watch the Med, avec une carte interactive, qui géo-localise les naufrages en mer Méditerranée et les violations des droits de l’homme aux portes de l’Europe. Le site, «un réseau de contre-surveillance mis sur pied avec des membres de la société civile», recueille des témoignages de rescapés, mais aussi ceux de garde-côtes et de militants. Pour reconstituer les circonstances exactes des drames.
But recherché: documenter et «spatialiser» les naufrages. «Car la mer n’est pas un no man’s land. C’est un espace quadrillé en zones de recherche et de sauvetage (les zones SAR) attribuées à chaque Etat. Des responsabilités peuvent donc être établies». (…)
Charles Heller est le fils d’un pédiatre socialement engagé et d’une tibétologue. «J’ai dû faire mes premières manifestations pour un Tibet libre vers l’âge de 6 ans», se rappelle-t-il, grand sourire aux lèvres. Après une maturité artistique, il se lance dans les Beaux-arts et travaille pour la première fois avec des requérants dans le cadre de son service civil. Cela lui a donné l’envie de se lancer dans des documentaires et moyens-métrages, comme Nem-Nee (2004), sur les requérants déboutés d’office, Crossroads at the Edge of Worlds (2007), retraçant les migrations irrégulières qui transitaient par le Maroc, ou Home Sweet Home (2009), qui décrit les affres de la politique d’asile suisse. Puis, il part un an à Londres faire son mémoire en relations internationales sur la crise politique au Togo. Il a essayé d’en faire un film, mais a dû abandonner son projet, faute de moyens financiers. (…)
Article complet de Valérie de Graffenried.