POLÉMIQUE L'ambassadeur de Suisse à Téhéran aurait manqué de respect à l'ex président Mahmoud Ahmadinejad, selon des médias iraniens. Le DFAE calme le jeu.
Giulio Haas, ambassadeur de Suisse à Téhéran depuis 2013, et à ce titre représentant les intérêts des États-Unis en Iran, se retrouve pour la deuxième fois au coeur d’une polémique. L’ambassadeur, déjà rappelé à l’ordre par Berne en 2015 pour avoir partagé en ligne une caricature mettant en scène le premier ministre israélien sous un tas d’excréments, est désormais accusé par des médias iraniens d’avoir été malpoli au cours d’un échange avec l’ex-président du pays, Mahmoud Ahmadinejad. «Je ne suis pas votre facteur», aurait-il notamment déclaré, selon ces derniers, lorsque l’ancien homme fort du pays lui aurait demandé de transmettre une lettre à Donald Trump. Le document, rédigé fin janvier, n’aurait pas rempli les critères diplomatiques, comme d’autres par le passé. Des faits rapportés par le journal iranien Asiran, qui rappelle le rôle «pro-américain» de l’ambassade de Suisse à Téhéran. Contactées, les autorités fédérales démentent formellement l’information.
«L’ambassadeur Haas n’a pas dit cela. Il ne se trouvait par ailleurs pas en Iran au moment des faits allégués», souligne Pierre-Alain Eltschinger, porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Pour rappel, le mandat de puissance protectrice que la Suisse assure entre l’Iran et les États-Unis, depuis 1980, permet de garantir une communication sûre et confidentielle entre les gouvernements des deux pays, qui ont rompu leurs relations diplomat iques. «Les échanges qui se font par le biais de ce canal sont strictement confidentiels et la Suisse ne commente pas leur contenu.»
Climat de campagne
René Schwok, professeur à l’Université de Genève et spécialiste de la politique suisse à l’étranger, ne voit pas quelle faute aurait pu commettre l’émissaire helvétique. «Ahmadinejad est aujourd’hui une personne qui n’a plus de position officielle dans le gouvernement iranien, note-t-il. La Suisse n’est donc pas habilitée à transmettre ce genre de courrier.»
Comment analyser ce «bad buzz» helvétique dans la presse iranienne? L’information ne surprend guère Mohammad-Reza Djalili, professeur à Genève et spécialiste de l’Iran contemporain et des conflits au Moyen-Orient: «Quand Ahmadinejad était président, il écrivait souvent des lettres aux grands de ce monde, relève pour sa part l’expert. En pratique, ces messages ne servent à rien, si ce n’est d’avoir un impact sur l’opinion publique en Iran. À deux mois de l’élection présidentielle en Iran, Ahmadinejad a été écarté du jeu électoral. Mais il continue à essayer d’avoir une influence sur l’issue de la campagne, notamment en apportant son soutien aux conservateurs. Cela fait partie du jeu politique.»
Le Matin, Sarah Zeines, 16 mars 2017