Le rituel c’est, selon l’excellente définition qu’en propose A. M. Hocart, ce qui produit la vie. Chez les Winye du centre-ouest du Burkina Faso, il est toujours performé avec un décalage temporel par rapport aux phénomènes sociaux qu’il est censé encadrer : soit en avance (lorsqu’on cherche à précipiter dans le monde l’arrivée d’un événement bénéfique) soit en retard (pour laisser au potentiel humain le loisir de s’exprimer pleinement avant que le rite n’intervienne pour le célébrer). Mais il y a plus. Les Winye ne partagent pas les positions de Georges Bataille qui, dans Histoire de l’érotisme, définit l’homme actuel par sa rupture radicale et irréversible avec l’animalité. Pour eux, il existe dans la société d’innombrables hommes-animaux, et bon nombre d’événements, de crises, renvoient à une régression dans l’espace-temps de l’homme-animal, qu’il convient de traiter rituellement puisque l’espace-temps normal, celui dans lequel il fait bon de vivre, n’est pas cet espace-temps primitif mais celui, contemporain et bien plus sophistiqué, de l’homme-génie.
Jean-Pierre Jacob, anthropologue, est professeur honoraire à l’Institut des Hautes Études Internationales et du Développement. Ses études ont porté sur l’anthropologie du développement, l’étude de la délivrance des services publics à l’échelle locale en Afrique de l’Ouest et les questions foncières. Il se consacre entièrement, depuis quelques années, à l’étude des rapports humains/non humains chez les Winye, petit groupe gurunsi du centre-ouest du Burkina Faso. Dernier ouvrage paru : Les Winye du centre-ouest Burkina Faso. Mort, mariage et naissance dans une société de la frontière, Genève, In fine Editions d’Art, 2022.
La chaire Yves Oltramare Religion et politique dans le monde contemporain a pour mission d’apporter une contribution scientifique majeure à l’analyse de l’impact des rapports entre religion et politique sur l’évolution des sociétés et du système international.