news
Economie internationale
02 September 2019

Une récession demain, vraiment ?

Au cours de l’été, les prévisions économiques mondiales se sont assombries. Et pourtant, ces prévisions ne correspondent pas à ce qui se voit aujourd’hui. Normal, direz-vous, c’est toute la différence entre aujourd’hui et demain. Ce qui compte, c'est ce qu’on pense qu'il va se passer, et là l’éventail est grand ouvert. 

Les pessimistes observent l’agitation du président Trump. Il s’enfonce chaque jour un peu plus dans un conflit commercial avec la Chine et menace les Européens du même traitement. Son embargo de l’Iran a plongé ce pays dans une profonde dépression, et l’Iran répond en perturbant le trafic des bateaux pétroliers dans le détroit d’Ormuz. La Grande-Bretagne semble se diriger vers un Brexit sans accord, qui secouerait l’activité en Europe. L’Italie, maillon faible de l’Europe, est en crise politique. L’Argentine est en crise économique et le Brésil pourrait suivre. Le Japon et la Corée du Sud, des partenaires commerciaux très imbriqués, se chamaillent et commencent à agiter des menaces réciproques. La Corée du Nord a repris ses lancements de fusées dans l’eau. Tout ceci crée des incertitudes majeures et les affaires ont horreur des incertitudes. 

Les optimistes considèrent que Trump a une idée très particulière des négociations, qui consiste à taper très fort sur la table pour faire plier la partie d’en face, pour ensuite se transformer de loup en mouton le temps d’un tweet. Ils notent que les élections approchent et qu’il voudra auparavant avoir remporté des succès, en fait des concessions présentées comme des victoires. Le Brexit peut se faire sans accord sur le fond mais avec une longue période de transition parfaitement sereine. Les crises politiques n’ont rien d’original en Italie, tout comme l’Argentine et le Brésil voguent de crise économique en crise économique depuis des décennies. Les rancoeurs entre le Japon et la Corée du Sud durent depuis tout aussi longtemps sans avoir empêché les affaires entre les deux pays de prospérer. Bref, tout est normal. 

Alors, pourquoi cette inquiétude? En grande partie parce que les marchés financiers s’agitent, pour deux raisons. D’une part, ces périodes d’incertitudes offrent de grosses possibilités de gains ou de pertes, suivant le pari que l’on fait. Face à des enjeux aussi tranchés, l’adrénaline coule abondamment. D’autre part, au cas où les pessimistes auraient raison, les autorités sont mal équipées pour atténuer un sérieux ralentissement économique. Les taux d’intérêt sont très bas, parfois même négatifs comme en Suisse, ne laissant pas, ou peu, de marge de manoeuvre aux banques centrales. Quant aux gouvernements, ils sont très endettés et donc peu enclins à laisser filer les déficits budgétaires pour essayer de relancer l’activité économique. Tous ces instruments ont été déployés pour éviter une grande dépression après la crise financière de 2008, et ils n’ont pas été rechargés. 

Depuis lors, la croissance a été plutôt faible mais inhabituellement durable, ce qui a permis de faire baisser le chômage à des taux historiquement bas. En vertu du principe selon lequel tout ce qui monte en l’air doit bien redescendre un jour, un ralentissement est inéluctable. Une baisse des cours boursiers est un signe avant-coureur d’un ralentissement économique, or les bourses tiennent bon pour l’instant, même si elles sont nerveuses. Parmi les grands pays, seule l’Allemagne est mal en point, mais c’est un cas particulier après une période bénie (les grosses voitures) et le Dieselgate. Comme la dette publique allemande a beaucoup baissé, le gouvernement dispose de larges marges de manœuvre au cas où il voudrait abandonner le dogme du «schwarze Null» pour son budget. 

Finalement, le plus grand risque est l’impact des incertitudes sur le moral des consommateurs et des entreprises. S’ils réduisent leurs dépenses, le ralentissement se produira. Pour l’instant, dans la plupart des pays, ils semblent traverser ces inquiétudes avec pas mal de placidité. Voilà ce qui sépare ce qui se passe et ce que les prévisionnistes suggèrent. Les consommateurs sont plutôt dans le camp des optimistes, les prévisionnistes dans celui des pessimistes.

Cet article a été publié dans la rubrique Opinions du Temps, le 29 août 2019.

Keywords: économie internationaleCentre international d'études monétaires et bancaires (CIMB)