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19 January 2023

Un projet pour comprendre les transformations de la famille en Afrique de l’Est

Yvan Droz, chargé d’enseignement et de recherche en anthropologie et sociologie à l’Institut, a récemment reçu près de trois millions de francs du Fonds national suisse de la recherche scientifique pour diriger, avec Valérie Golaz (INED), Clémentine Rossier (UniGE) et Yonatan N. Gez (ISCTE), un projet de recherche intitulé « FamilEA: the Remaking of the Family in East Africa », dont le but est d’étudier les nouvelles configurations familiales en Afrique de l’Est. Rencontre.

Quel est l’objectif de ce projet de recherche ? Pourquoi la famille est-elle en danger en Afrique de l’Est ?

Le projet FamiLEA cherche à documenter et comprendre les transformations de la famille en Afrique de l’Est en combinant quatre stratégies : 1) en construisant une conception interdisciplinaire de la famille, au-delà des spécificités de chaque discipline ; 2) en associant les approches qualitatives et quantitatives des différentes sciences sociales pour constituer un ensemble de données communes et partagées ; 3) en conduisant dans deux pays voisins qui se distinguent par leurs structures familiales, le Kenya et l’Ouganda, une recherche comparative auprès de différents groupes sociaux, d’hommes et de femmes, de jeunes, d’adultes et de personnes âgées, en milieu urbain comme rural ; 4) en déployant des recherches individuelles sur des aspects caractéristiques des nouvelles configurations familiales, tout en les faisant dialoguer étroitement entre elles et avec les données communes.

En fait, la famille n’est pas en danger, mais elle se transforme, comme elle l’a toujours fait. Ce sont ces nouvelles configurations familiales que nous étudierons. Comme ces façons de « faire famille » ne correspondent pas aux conceptions dominantes et conventionnelles de la parenté, ces transformations passent encore largement inaperçues, notamment des statistiques officielles et des politiques publiques : une nouvelle approche scientifique est nécessaire.

Entre 2019 et 2022, vous avez dirigé un projet intitulé Self-Accomplishment and Local Moralities in East Africa (SALMEA). Dans quelle mesure ce nouveau projet de recherche va-t-il compléter SALMEA ?

Dans le projet SALMEA, nous avons étudié les voies et les moyens par lesquels les hommes et les femmes parviennent à accumuler et à transmettre richesses, pouvoir, respectabilité et influence sociale en Afrique de l’Est. Dans un contexte de changements structurels accélérés, affectant profondément les représentations d’une vie accomplie, mais aussi les moyens pratiques d’y parvenir, ces objectifs représentent un véritable défi. Or, fonder une famille constitue une étape dans ce parcours de vie. Vu les difficultés pour se marier – en raison des coûts impliqués –, de nouvelles configurations familiales apparaissent. C’est pourquoi nous avons lancé cette nouvelle recherche.

Quelles méthodes allez-vous utiliser et quelle est la place de l’interdisciplinarité dans ce projet ?

Au Kenya et en Ouganda, nous partirons des deux capitales pour remonter l’« archipel familial » au cœur des zones rurales. Par-delà la conception statique de l’unité familiale, ce concept d’« archipel familial » nous permettra de capturer les dynamiques des réseaux familiaux qui se déploient sur différentes « îles » décentralisées, au fil des trajectoires familiales, d'emploi et de migrations des individus. Nous remonterons ces réseaux à l’aide d’une approche interdisciplinaire fondée sur les pratiques sociales qui « font famille » au moyen de denses réseaux d’échanges de biens, de services et de personnes en nous inspirant de la théorie de la pratique et des capitaux sociaux de Pierre Bourdieu. Notre perspective interdisciplinaire associe étroitement la démographie et la socio-anthropologie, tout en bénéficiant des contributions de la géographie, de l’histoire et des sciences politiques. Notre équipe de recherche est constituée de vingt chercheurs, tant jeunes qu’expérimentés, provenant d’Europe et d’Afrique de l’Est. Nombre d’entre eux disposent d’une longue expérience de recherche commune et interdisciplinaire.  

Quels sont les partenaires pour ce projet ?

FamiLEA est dirigé par le Département d’anthropologie et de sociologie de l’Institut, associé à l’Institut de démographie et de socio-économie de l’Université de Genève (IDESO) et à l’Unité de recherche « Démographie des pays du Sud » (DemoSud) de l’Institut national d’études démographiques (INED) de France. La conférence d’ouverture du projet se tiendra le 9 juin 2023 à l’Institut.

Il est à noter que cinq doctorant.e.s et un.e. postdoc seront engagé.e.s durant les quatre ans de la recherche (juin 2023-juin 2027).