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16 April 2019

« Médiation », « négociation » ou « bons offices » ? Qu’en est-il ?

Les termes peuvent prêter à confusion... En s'appuyant sur l'actualité et les services proposés par le Mexique et la Suisse au Vénézuela, découvrez comment le Professeur Alain Sigg distingue ces expressions !

Les termes peuvent prêter à confusion…
En janvier 2019, lors d’un cours dans le cadre de la Formation continue de l’Institut de hautes études internationales et du développement, nous avons découvert à titre d’exemple ces extraits dans la presse du jour :

(Reuters) Friday Jan 25 - Mexico said on Friday that it is willing to mediate between the government of Venezuelan President Nicolas Maduro and opposition leader Juan Guaido, if both sides request and agree to it.      

 (Le Temps.ch) vendredi 25 janvier 2019 - La Suisse se dit prête à offrir ses bons offices au Venezuela.

 

Mais attention, les deux pays ne proposent pas les mêmes services !

Le Mexique se déclare pour sa part disposé à jouer le rôle de médiateur entre le gouvernement vénézuélien et l’opposition si les deux parties le sollicitent. Une requête préalable des deux parties est donc indispensable, afin que le Mexique soit habilité à devenir un médiateur – au sens commun du terme – et à entreprendre par exemple un va-et-vient diplomatique(1) entre les deux opposants en vue d’éviter une escalade du conflit.

La Suisse, quant à elle, offre ci-dessus ses bons offices au Venezuela. Mais que signifie le terme bons offices ? Une définition succincte nous est offerte dans plusieurs ouvrages de référence : une tierce partie, la Suisse en  l’occurrence,  offre  ses  bons offices   en  tant  qu’intermédiaire  amical  (« friendly intermediary ») et tente de convaincre les parties au conflit à négocier entre elles(2). Si ledit intermédiaire amical parvient à convaincre les antagonistes, il y aura alors négociation sans médiation : les parties au conflit négocient exclusivement entre elles. En théorie, l’explication semble limpide.

 

Qu’en est-il dans la pratique ?

La pratique m’a cependant montré que celui qui offre ses bons offices peut parfois devenir, au fil du temps, un médiateur informel. En effet, l’intermédiaire « amical », a priori plutôt distant lorsqu’il propose ses bons offices, se rapprochera peu à peu des antagonistes et finira par glisser vers une médiation, surtout si tous parlent la même langue !

Bons offices et médiation se côtoient de la sorte dans le rapport du Conseil fédéral suisse du 14 décembre 2018 : le titre « Bons offices : bilan des démarches de facilitation et de médiation de la Suisse au niveau international »(3) indique à lui seul que les bons offices peuvent déboucher sur une médiation. Ainsi, celui qui offre lesdits bons offices devient parfois – mais pas toujours – lui-même médiateur.


 

Et la « négociation » sans « bons offices », alors ?

Toute confusion entre médiation et négociation sera proscrite puisque la première implique une tierce partie impartiale, alors que la deuxième prévoit un dialogue direct entre les antagonistes. Médiation et négociation peuvent toutefois s’avérer complémentaires : la paix dite de Westphalie de 1648 qui scella en Europe une période de paix jusqu’aux guerres napoléoniennes fut le résultat combiné, d’une part, de négociations à Osnabrück entre le Saint-Empire et la Suède (sans aucune médiation), et d’autre part d’une médiation menée par la République de Venise, à Münster, notamment entre la France et l’Espagne.

Ces deux chemins parallèles vers la paix inventés à l’issue de la sanglante Guerre des Trente Ans, avec ses 4 à 6 millions de morts, nous rappellent que tout règlement pacifique des conflits puise sa force dans la créativité et ne connaît guère de recette copier-coller. La seule constante s’avère l’impartialité et l’endurance du médiateur : dans le préambule des traités de Westphalie, hommage est rendu à l’infatigable médiateur vénitien Alvise Contarini, d’un pays neutre, pour ses quatre années de dur labeur.

 


(1) De l’anglais « shuttle diplomacy », inventé semble-t-il la première fois après la guerre du Kippour lors de la fréquente « navette » de Henry Kissinger entre l’Egypte et Israël.
(2) Dictionary of Law Enforcement (2014), repris inter alia par Oxford reference.com (2019).
(3) Rapport du Conseil fédéral en exécution du postulat Béglé 16.3929 du 1er décembre 2016.

 

 

ALAIN SIGG
Médiateur indépendant / Maître de conférence à l'Institut
alain.s@catimpact.org

 

The views and opinions expressed in this article are those of the authors and do not necessarily reflect the position of The Graduate Institute Geneva.