Depuis la mi-septembre 2022, la République islamique d’Iran vit la plus grave crise politique de son existence. De part sa durée, son étendue à toutes les régions du pays, ses particularités et ses conséquences, cette crise diffère largement de celles qui l’ont précédée. En 2009, la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad pour un deuxième mandat présidentiel avait fait descendre dans les rues des grandes villes du pays de très nombreux Iraniens qui scandaient « Où est passé mon vote ? ». Fin 2017 et début 2018, l’annonce par le gouvernement de nouvelles mesures d’austérité économique provoquent une vague de manifestations qui secoue tout le pays et sont réprimées rapidement et violemment par les forces de l’ordre. En novembre 2019, une protestation massive contre l’augmentation du prix du carburant a lieu à travers tout le territoire qui est réprimée dans un bain de sang sans précédent.
On passe ainsi de la contestation électorale en 2009, aux contestations de type économiques et sociales de 2017 et 2019 qui reflètent la dégradation du niveau de vie de la population, l’appauvrissement de la classe moyenne, l’augmentation du chômage, l’amplification de l’inflation. Durant les années qui suivirent les événements de 2019, la détérioration de la situation socio-économique continue et l’inflation atteint 40%. C’est dans ce contexte que sera élu, en juin 2021, à la présidence de la république, un ultra conservateur, Ebrahim Raïssi. La gestion d’un pays en crise économique, de plus en plus verrouillé et contrôlé, engagé dans d’interminables négociations internationales pour faire revivre un accord nucléaire moribond, passe entre les mains d’un religieux au passé trouble et élu avec le taux de participation le plus faible de l’histoire de la République islamique. C’est dans ce contexte particulier que la crise actuelle trouve ses origines.
L’arrestation le 13 septembre, par une patrouille de la police des mœurs (Gasht-e Ershad), sous prétexte de port du voile islamique de manière inapproprié, de Mahsa Amin, jeune femme âgée de 22 ans originaire de Saqqez, petite ville située dans la province du Kurdistan iranien, dont on apprendra le décès le 16 septembre, déclenche immédiatement un tollé d’ampleur sans précédent dans tout le pays et plus particulièrement chez les jeunes femmes iraniennes. Celles-ci lancent rapidement un mouvement protestataire qui s’étend en quelques jours à tout le pays. Aux jeunes femmes se joindront les jeunes hommes. De la rue, la contestation gagne les universités et bientôt les collèges et mêmes les écoles primaires. En quelques semaines ce mouvement se transforme en un soulèvement qui regroupe de nombreuses composantes de la société iranienne qui désormais rejettent un régime considéré comme incompétent, corrompu et terriblement répressif, auquel une majorité de la population ne s’identifie plus. Seules restent fidèles les membres du clergé inféodé à l’Etat, les Gardiens de la révolution et leurs affidés - impliqués dans de nombreux secteurs de l’économie - ainsi d’autres groupes liés aux « institutions révolutionnaires » comme les fondations, toutes dirigées par le bureau du Guide.
Si les femmes, très courageusement, ont été à l’origine du déclenchement de la crise actuelle, c’est qu’elles sont les premières victimes de la révolution islamique et subissent depuis 43 ans un système oppressif qui les réduit en citoyennes de second rang. Dès l’arrivée au pouvoir du courant islamiste après la révolution de 1979, outre l’imposition du port du voile obligatoire, la loi sur la famille qui depuis 1967 avait élargi substantiellement les droits des femmes a été annulée. Durant les années qui suivront, de nombreuses et nouvelles restrictions seront progressivement imposées aux femmes, ce qui accentuera leur inégalité par rapport aux hommes dans de multiples aspects de leur vie individuelle, familiale et publique.
Cette contestation de la situation déplorable faite aux femmes se transforme durant l’automne 2022 en un mouvement de rejet généralisé du régime, qui rapidement gagne de nombreuses villes et agglomérations. Cette évolution quasi instantanée s’explique du fait que le sort des femmes ne peut être séparé de celui des hommes et que, par ailleurs, toutes les composantes de la population iranienne ont des raisons valables de mécontentement et veulent exprimer leur ras-le-bol. Le slogan « femme, vie, liberté » qui fleurit en Iran reflète bien ce que veulent les Iraniens depuis trois mois: le respect des droits humains, la justice et la démocratie, qui, sans une séparation de la religion de la politique, ne peuvent se concevoir.
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