Destiny/Destination est né comme projet d’exposition, une collaboration entre un anthropologue et un artiste unis par l’attention aux circulations spatiales et à l’écoulement du temps.
Dans un monde perçu comme incertain, où la mobilité de certaines personnes est vécue comme une menace pour la stabilité de la vie d’autres personnes, nous avons assemblé les trajectoires de migrant∙e∙s parti∙e∙s d’Italie ou arrivé∙e∙s en Italie à des moments différents, motivés par des raisons multiples. Le point de départ visuel, esthétique et narratif a été de travailler sur les lignes de la main, symboles du destin de chacun. Les lignes de la main portent un message d’universalité (chaque homme ou femme en a) mais dans le même temps de diversité (pour chacun elles sont différentes). Les paumes des mains racontent des histoires qui quoique différentes sont unies dans leur commune humanité. Invitation à se déplacer d’une perspective centrée sur l’État vers un regard sensible aux nuances vécues, Destiny/Destination croise les trajectoires de huit personnes, caractérisées par une tension entre l’attachement pour les lieux où l’on a grandi et la curiosité pour le monde qui existe au-delà des murs de la maison. Tauseer Muhammad Awan, Gianpiero Bruno, Rina Ceschia, Gilberto Micelli, Anna Passera, Enayatu Rahman Sahel, Angelica Șerban, et Lalo Trujillo se sont racontés avec leurs mots et avec les lignes de leurs mains.
L’exposition a amené à la conception d’un ouvrage multilingue qui a élargi le cercle des rencontres et des possibilités expressives. Nous avons assorti les histoires de migration et les images des mains par des ouvertures poétiques et visuelles, qui confèrent un souffle plus large de narration et de partage. Les dessins de Carlo Vidoni rendent visible la fugacité et la légèreté des vies, les textes d’Alessandro Monsutti évoquent des parcours itinérants et émotionnels. Les contributions d’autres auteurs viennent enrichir la conversation : Tareq Aljabr, poète syrien installé à Milan ; Ebrahim Amini, poète afghan réfugié à Vienne ; Jean- François Bayart, professeur à l’Institut, qui signe la postface ; Mohsen Lihidheb, artiste tunisien qui maintient le souvenir des victimes de la route méditerranéenne avec ses installations et ses textes ; Cléo Petric, Française partie étudier aux États-Unis, qui s’exprime indifféremment en français et en anglais ; Michele Picardi, venu enfant de ses Pouilles natales avec sa famille à la recherche de travail en Lombardie.
Alessandro MONSUTTI, Carlo VIDONI, août 2023