« L’utopie d’aujourd’hui est la réalité de demain », écrivait Victor Hugo. L’histoire lui donne raison, sachant que les grands progrès humains ont presque toujours pris naissance dans le terreau fertile de l’idéal pour ensuite se déployer grâce à un ensemble de décisions passant du théorique au pratico-pratique et de l’individuel au collectif.
Construire une société équitable et écologique peut sembler utopique. C’est pourtant le phare qui depuis des années oriente mon parcours académique, professionnel et citoyen. C’est le sens que j’ai donné à ma vie tout en étant bien consciente du pouvoir limité de tout individu, aussi bien intentionné soit-il.
Née de parents paysans dans un petit village de Suisse romande, c’est dans une ferme au Québec que j’ai grandi. J’y ai été témoin de la vulnérabilité économique imposée aux agriculteurs par l’agrobusiness et de la fragilité des écosystèmes qui nous nourrissent.
À 17 ans, un été passé au Burkina Faso m’a permis de saisir le sens du mot « inégalité ». Plus j’en apprenais sur l’histoire du monde, plus j’étais consciente de l’immense hypocrisie qui régit les relations internationales au sein d’un système économique qui carbure à l’exploitation sociale autant qu’environnementale.
Quelques années plus tard, en 1993, avec un groupe d’ami·e·s (jeunes universitaires comme moi), nous fondions Équiterre. C’est dans ce contexte que j’ai publié mon premier essai, Une cause café (Intouchables, 1997).
J’y présentais le fruit de recherches menées dans une coopérative de café au Mexique. Cet ouvrage m’a propulsée sur la scène médiatique, nous permettant de lancer avec force le commerce équitable au Québec, jusqu’alors méconnu en Amérique du Nord. De nombreux autres projets de recherche et d’action citoyenne ont suivi.
Aujourd’hui, Équiterre est considéré comme l’un des organismes environnementaux ayant le plus d’influence au Canada.
L’envie d’approfondir mes connaissances m’a amenée à l’Institut pour y faire un doctorat sur l’émergence d’une économie écologique et sociale. J’avais besoin de prendre du recul afin de mieux comprendre les processus de transition en cours, les freins autant que les accélérateurs de changement.
Grâce à la qualité des enseignements reçus et l’encadrement extraordinaire de ma codirectrice de thèse, Isabelle Schulte-Tenckhoff, je suis retournée au Québec mieux outillée pour poursuivre ma mission. Je suis maintenant professeure associée à l’Université du Québec à Montréal et membre de son Institut des sciences de l’environnement.
Je suis aussi conseillère en environnement et justice sociale pour le cabinet juridique Trudel, Johnston & Lespérance, qui poursuit notamment le Canada pour son inaction en matière de changements climatiques.
Je viens de publier mon dernier livre, La transition, c’est maintenant (Écosociété, 2019), parce que c’est aujourd’hui que nous choisissons ce que sera demain.
Cet article a été publié dans le nouveau numéro de Globe, la revue de l'Institut.
Crédit photo: Julie Durocher