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Research Office
17 January 2019

La protection des investissements en temps de violence: l’apport du DIH et du DIDH

En temps de conflit armé et de troubles internes, le droit international des investissements, qui apparaît comme le régime «spécial» gouvernant la protection des investissements, se voit disputer sa réglementation par d’autres corpus juridiques tels le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme et le droit de la responsabilité internationale. 

Qu’est-ce qui vous incité à étudier la protection des investissements dans des contextes de violence?

Le choix de ce thème a découlé d’un long processus au cours duquel je recherchais un sujet afin d’entreprendre des études de doctorat, suite à mon LLM en droit humanitaire et droit international des droits de l’homme à l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève. Après des échanges avec de nombreuses personnes, dont Mamadou Hébié, un alumnus de l’Institut, la proposition m’a été faite de mener des recherches sur les rapports entre les investissements et les conflits armés. Par la suite, le professeur Marco Sassòli, de l’Université de Genève, m’a suggéré d’intégrer les troubles internes à ma recherche, alors que j’étais allé discuter de la pertinence d’un tel sujet de thèse avec lui. J’ai pris contact avec les professeurs Zachary Douglas et Vincent Chetail pour leur manifester mon intérêt de faire une thèse à l’Institut. Après avoir reçu leurs avis positifs, j’ai soumis mon sujet, été retenu et affecté à la supervision de M. Vincent Chetail.

J’ai eu le plaisir de constater, au fil de mes recherches, que le sujet sur lequel j’écrivais faisait l’actualité sur le plan juridique, à travers des colloques et articles qui portaient sur divers aspects du thème que j’avais choisi.

En fait, je n’avais pas de connaissances de base en droit international des investissements, que je n’avais étudié ni lors de mon LLM à l’Académie, ni lors de mon cursus antérieur. À cet égard, je dois noter l’intérêt des cours que suivent les doctorants de première année à l’Institut. Le cours «International Investment Law», par exemple, dispensé par le professeur Joost Pauwelyn, m’a permis d’obtenir les fondements nécessaires avant d’entamer véritablement l’écriture de ma thèse.

Pouvez-vous décrire l’objectif de votre thèse et ses principales conclusions?

Ma thèse vise à mettre en exergue le rôle du droit international humanitaire, du droit international des droits de l’homme et du droit de la responsabilité internationale dans la réglementation des investissements en temps de conflit armé et de troubles internes. Il est évident que ce ne sont pas les régimes juridiques auxquels l’on pense a priori dans le cadre de la protection des biens des investisseurs. C’est donc une hypothèse d’étude qui n’allait pas de soi, dans la mesure où le droit international des investissements, présenté comme la branche la plus dynamique du droit international, se réclame d’un certain caractère autosuffisant. Il s’agissait donc d’aller au-delà de cette première impression afin de démontrer qu’il n’est pas omnipotent, et que le recours à d’autres régimes de droit peut être nécessaire à la protection des investissements dans un contexte de violences. En somme, j’ai fait preuve d’une certaine vision unitaire du droit international, à travers une perspective complémentariste de ces divers régimes dans la réglementation des investissements.

Qu’en est-il de la pertinence scientifique et pratique de votre recherche?

Ma thèse s’intéresse à certains sujets d’actualité comme l’application des traités d’investissement en territoire occupé et émet des propositions afin que les conventions d’investissement prennent davantage en compte cette question qui est prégnante, comme on le constate notamment à travers la crise russo-ukrainienne.

Globalement, c’est un travail susceptible d’intéresser aussi bien le monde académique que les gouvernants et les investisseurs, en ce qu’il explicite et développe les droits et les obligations des différents acteurs concernés par l’application des traités d’investissement dans les circonstances spécifiques de conflit armé et de troubles internes. Cette étude est aussi importante du fait des montants énormes qui sont en jeu dans le domaine des investissements. Les investisseurs déploient souvent de fortes sommes dans le cadre de leurs activités, et les États, quant à eux, peuvent en retour avoir à payer des dommages-intérêts colossaux si leur responsabilité est engagée en cas de préjudice subi par les investisseurs.

Qu’allez-vous faire maintenant?

Je suis sur le point de retourner dans mon pays, le Burkina Faso, afin d’enseigner dans des établissements d’enseignement supérieur publics et privés. À moyen terme, j’ai l’ambition d’ouvrir un cabinet de conseil dans le domaine du droit international économique, et de contribuer au développement de la résolution des différends par l’arbitrage en Afrique de l’Ouest francophone.

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Bienvenu Venceslas Ouedraogo a soutenu sa thèse de doctorat en droit international en septembre 2018. Le professeur Zachary Douglas présidait le jury, qui comprenait également le professeur Vincent Chetail, directeur de thèse, et le professeur Eric De Brabandere, de la Faculté de droit de l’Université de Leyde, aux Pays-Bas.

Référence complète de la thèse:
Ouedraogo, Bienvenu Venceslas. “La protection des investissements en temps de conflits armés et de troubles internes: apports normatifs des régimes de droit international humanitaire, droit international des droits de l’homme et droit de la responsabilité internationale.” Thèse de doctorat, Institut de hautes études internationales et du développement, Genève, 2019.

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Interview par Nathalie Tanner, Bureau de la recherche.
Illustration de kryzhov / Shutterstock.com.