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Small Arms Survey
04 December 2019

Un oeil sur les trafics d’armes à feu

Lancé en 1999 et rattaché à l’IHEID, le Small Arms Survey documente la circulation des armes de petit calibre, parmi les plus meurtrières du monde. 

Le savoir peut sauver des vies. C'est l'ambition de l'observatoire sur les armes légères (Small Arms Survey – SAS) lancé en 1999 par l'Institut de hautes études internationales et de développement (IHEID), à Genève. A l'époque, la prolifération des armes légères, comme les kalachnikovs, sinistres emblèmes de nombreux conflits, commençait à faire débat à l'ONU.

«Mais personne n'avait d'informations fiables sur les stocks et les transferts de ces armes», se souvient Keith Krause, professeur à l'IHEID et spécialiste du contrôle des armements. L'observatoire est lancé comme un projet de recherche de l'institut et reçoit le soutien de la Suisse.

«Nous avons eu des surprises, relate Keith Krause. La première a été de constater que les armes utilisées dans de nombreux conflits ne venaient pas des stocks de l'ex-URSS. En réalité, les stocks étaient déjà sur place et étaient détournés.» Cette découverte conduit à conseiller différemment les pays voulant contrôler le flux de ces armes. «Les Etats fragiles, où il y a un risque de conflit, devraient mieux surveiller leurs stocks. Après un conflit, nous insistions sur la nécessité de collecter un maximum d'armes», illustre le professeur, qui a passé la main à la tête du centre en 2016.

Une cinquantaine de chercheurs

L'observatoire se targue de faire de la recherche appliquée. Il a développé un cadre normatif, des modes d'emploi pour aider les pays à réduire les victimes de ces armes. Toujours rattaché l'IHEID, l'observatoire emploie une cinquantaine de chercheurs, qui se rendent régulièrement sur le terrain, soit pour récolter des informations, soit pour appuyer les gouvernements. Il a investi de nouveaux champs de recherche, comme les aspects de genre, alors que la possession d'une arme est parfois un  rite de passage pour les jeunes hommes. Le centre a son propre financement, assuré par des gouvernements occidentaux.

Hécatombe en hausse

Grâce au travail du SAS, la communauté internationale a désormais une meilleure idée de l'ampleur du problème. A la fin de 2017, il y avait 1 milliard d'armes à feu dans le monde, dont 85% aux mains de particuliers, le reste étant utilisé par des policiers et militaires. Seulement 12% des armes appartenant à des civils étaient répertoriées dans des registres officiels. Le SAS estime que ces petits calibres ont causé la mort de 217000 personnes en 2017, une hécatombe en légère hausse par rapport à l'année précédente.

Le plus grand nombre de victimes ne survient pas dans les pays ravagés par les conflits mais dans des endroits qui ne sont pas officiellement en guerre, comme en Amérique centrale, gangrénée par la violence des gangs et des trafiquants de drogue. Cette région du monde n'est pourtant pas celle où il y a le plus d'armes en circulation, mais elles tombent dans les mauvaises mains. Le pays où il y a le plus grand nombre d'armes par habitant reste les Etats-Unis, avec plus d'une arme à feu par habitant, devant le Yémen, où un habitant sur deux est armé. En Suisse, un résident sur quatre possède une arme. Autant de chiffres qui suscitent des débats politiques très sensibles.

«Nous ne sommes pas là pour faire du lobbying ou pour dire ce qui est bien ou mal, démine l'Espagnol Daniel de Torres, qui vient de prendre les rênes du SAS. Notre but est qu'une information indépendante et pertinente parvienne aux décideurs.» Le nouveau directeur veut garder la violence des armes légères en tête des priorités. «Dans les enceintes internationales, on parle beaucoup des armes nucléaires, biologiques ou des nouveaux armements autonomes, mais les fusils ou les simples revolvers continuent d'être une énorme menace pour la sécurité», prévient-il.  

Cet article rédigé par Simon Petite a été publié dans « Le Temps » le 2 décembre 2019.