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Davos
23 January 2020

Trump en mode diversion

Le président Trump est venu à Davos faire un discours de campagne sans parvenir à détourner l’attention des Américains qui suivent son procès en destitution.

David Sylvan, professeur de relations internationales et de sciences politiques à l’Institut de hautes études internationales et de développement (IHEID) à Genève, analyse depuis les Etats-Unis la prestation de Donald Trump à Davos.

Qu’est-ce que le président américain va ramener de Davos dans ses valises?
Rien de spécial si ce n’est d’être allé au WEF. Le but était simplement de jouer son rôle de président, de montrer qu’il est un véritable leader et qu’il a la carrure pour rempiler.

Pas de contrats signés?
Il aura peut-être signé un ou deux contrats, mais cela se fait surtout entre sociétés. Il aura certainement encouragé des entreprises à investir aux Etats-Unis. Il a parlé des investisseurs étrangers qui pourraient venir signer des contrats dans le sillage des constructeurs automobiles, par exemple.

Que retenez-vous du discours de Donald Trump?
Il a fait un discours de campagne sans surprise. Comme d’habitude, il a donné des arguments pour être réélu, en se vantant d’avoir réussi dans tous les domaines, notamment l’économie. Il a eu la possibilité de mettre en valeur son bilan et de parler en mal de personnes qu’il déteste.

Davos était un bol d’air frais pour lui?
Oui car venir à Davos était une façon de détourner les regards par rapport à son procès en destitution. Et ce n’est pas le premier président en plein processus de destitution qui veut s’éloigner de ses problèmes en voyageant à l’étranger. A la fin des années 1990, Bill Clinton a fait exactement la même chose, en visitant d’autres pays pendant le processus de destitution. En 1974, dans les dernières semaines de sa présidence, Richard Nixon a fait une série de voyages, au Proche-Orient notamment, juste avant que la commission judiciaire de la Chambre des représentants commence à délibérer en public. Les présidents sous une telle pression ne veulent pas rester enfermés à la Maison-Blanche.

Donald Trump a-t-il réussi à faire diversion?
Non, cela n’a pas eu beaucoup d’effets. Ici aux Etats-Unis, tous les yeux sont rivés sur le Sénat. Davos est très secondaire. Il y a de courts reportages à la télévision sur le WEF, comme une coupure de publicité durant un film. Les Américains ne parlent que du procès.

Le président va-t-il comparaître à son procès?
Je ne pense pas. Il a voulu à un moment donné témoigner mais ses avocats le lui ont déconseillé. Ils savent que ce serait un désastre car cela se retournerait contre lui. Il se piégerait lui-même. C’est pourquoi durant l’enquête de Robert Mueller (sur la collusion présumée entre son équipe de campagne et la Russie en 2016, ndlr), ses avocats lui avaient interdit de témoigner devant le procureur spécial.

Cet entretien réalisé par Thierry Jacolet a été publié dans « Le Courrier » du 22 janvier 2020.