Dignité en détention. Ce n’est pas seulement le nom de la Fondation DiDé, qui célèbre cette année son 20e anniversaire. C’est aussi la défense de ce principe qui anime depuis – presque – toujours sa secrétaire générale, [l’alumna] Marie-France Renfer. «C’est en Roumanie, alors que j’effectuais des recherches dans le cadre de la préparation au doctorat (…) [de l’Institut], que j’ai rencontré des personnes ayant vécu le goulag après la guerre et les prisons des pays du bloc de l’Est. Effrayant. En toutes circonstances, la dignité des hommes y était bafouée. Ça m’a marquée à jamais. »
Jeune femme, elle y a vécu pendant deux ans, de 1973 à 1975. Etudiante sous surveillance dans la dictature de Ceausescu, elle réussit tout de même à rencontrer des familles d’un milieu cultivé mais «très cabossé». De retour à Genève, elle n’a plus de doute sur son avenir: «Je travaillerai dans l’humanitaire. » A (…) [l’Institut], elle avait rencontré le professeur Jacques Freymond. Elle le retrouve en 1977 lorsqu’il l’incite à poser sa candidature au CICR. «A l'époque, nous étions encore peu de femmes à être engagées dans le secteur de la protection des prisonniers de guerre et des détenus politiques. » Huit ans s’écouleront en Afrique (nord du Tchad, au Zaïre, au Congo Brazzaville, au Rwanda), aux Philippines, en Israël et dans les territoires occupés. Un travail de terrain qui l’emmène, notamment, dans toutes ces prisons et centres de détention dans lesquels les détenus sont peu considérés comme des êtres humains dignes de respect.
A l’école de l’humanitaire
«Le CICR, c’est une des meilleures formations que l’on puisse acquérir», s’exclame Marie-France Renfer. Mais le besoin de sortir de l’urgence se fait sentir. Elle travaillera pour deux agences de l’ONU en Mauritanie. Ses années d’expérience incitent la DDC (Direction du développement et de la coopération) à lui demander de se rendre au Rwanda, à Kigali en 1988. Elle y travaillera comme adjointe puis comme cheffe de mission jusqu’en avril 1994. «Une semaine après le début de cette violence, de cette folie, nous avons été évacués. »
Mais il sera dit que le Rwanda restera un pays proche de ses préoccupations, puisque dix ans plus tard, en 2004, elle prend la direction de la petite fondation Dignité en détention qui, parmi ses activités sur le terrain, réalise de nombreux projets au Rwanda. «Avec DiDé, j’ai retrouvé mes premières amours. Tout au long de ma vie professionnelle bien remplie, je suis restée convaincue du bien-fondé de ces actions qui visent à combattre les violations des droits humains. »
Les détenus les plus vulnérables
Longtemps portée par Jeanne Egger («nous n’avons jamais perdu contact depuis le CICR») et Anne-Marie Grobet, la petite structure a concrétisé des projets dans différents pays, dont le Rwanda et Madagascar. «Nous nous sommes focalisés sur les lieux de détention où les mineurs, les femmes, les malades, les personnes les plus vulnérables sont maltraitées. La construction d’établissements pour les mineurs, des lieux de formation, et plus récemment des structures de médecine mentale constituent nos priorités. Au Rwanda, en particulier, les traumatismes sont tels qu’une formation n’est parfois même pas envisageable avant une prise en charge psychologique. »
Quatre personnes d’horizons divers (dont le président Philippe Pasquier) composent le conseil de fondation de DiDé. Avec deux autres personnes à temps partiel, Marie-France Renfer assure le suivi des projets. «Nous manquons de moyens, mais nous compensons avec le soutien de conseillers bénévoles de qualité, et pas seulement dans le domaine de la détention. Ils nous aident à professionnaliser le mieux possible nos actions», se réjouit-elle. L’investissement et l’enthousiasme des gens qui oeuvrent ou ont oeuvré dans l’humanitaire constituent «une vraie motivation pour de beaux challenges».
La Tribune de Genève, 31 janvier 2012
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