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Alumni
21 November 2012

Rencontre avec Christophe Girod

Le nouveau directeur de l’aide aux requérants d’asile de l’Hospice général déroule son histoire.

C’est l’histoire d’un Genevois « qui aime la voile et la montagne, comme tous les Genevois », orphelin de père et de mère, élevé par sa tante, « obligé » de passer toutes ses vacances en Valais, et qui un jour décide de prendre le large.

« J’ai vu la mer pour la première fois à 18 ans ! Autant dire que j’avais besoin de voyager et de prendre mes distances. Je voulais aussi faire quelque chose d’utile », résume le jeune quinquagénaire. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) répond à toutes ces attentes. Un diplôme de l’Institut en poche et un an d’attente plus tard, Christophe Girod part pour sa première mission, à la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan. « Comme tout le monde, je me suis dit : je pars un an. Et je suis resté dix-huit ans au CICR, ajoute-t-il en riant. Le CICR a un côté famille, mais je l’ai quand même quitté deux fois. »

La première fois, il a 29 ans. On est en 1991 et, durant les cinq années précédentes, Christophe Girod a « fait toutes les guerres », comme il dit. Celle entre l’URSS et l’Afghanistan, le conflit israélo-palestinien, la guerre du Liban « où, pendant des mois, on dormait dans la salle de bains, seule pièce sans fenêtre, lors des bombardements », puis la guerre du Golfe au Koweït. « Après ça, j’ai tiré la prise. Je ne voulais plus travailler. Pendant un an, j’ai pris beaucoup d’avions et dépensé beaucoup d’argent. Puis, le CICR m’a rappelé pour me demander d’écrire un livre sur sa mission pendant la guerre du Golfe. »

Il y consacre un an. Durant cette période, le Genevois renoue avec son employeur et sa cité. Une fois l’ouvrage achevé et validé, il accepte des postes à Genève, qui le mènent à la direction du comité. « Mes voyages avaient éloigné mes problèmes sans les résoudre. Je suis resté à Genève parce que je m’étais lancé dans une thérapie et voulais la terminer… et juste après : pouf, j’ai rencontré ma femme ! » s’exclame-t-il.

Ressourcé et avec une famille agrandie par sa fille Estelle, Christophe Girod accepte de repartir pour Washington, afin de diriger l’antenne américaine du CICR. « Guantánamo venait d’ouvrir», se souvient-il. L’administration Bush, elle, se souvient surtout de la polémique qui suivit ses vives critiques sur les conditions de détention au pénitencier, qui firent, notamment, la une du New York Times.

Cette position inhabituelle de la part d’un cadre du CICR – une organisation qui garde ses remarques sur les conditions de détention dans les prisons visitées hors de portée du grand public –, Christophe Girod l’assume : « Je trouvais important de dire aux Américains, le plus grand donateur du CICR, qu’il y avait des limites. Ils nous paient pour ça ! » Son avis n’est pas partagé par tous. Il doit donc quitter la grande famille du CICR une nouvelle fois. « Même si nous n’étions pas forcément d’accord sur la question américaine, nous nous sommes séparés à l’amiable », précise-t-il.

S’ensuit une nouvelle année de voyages, en famille – encore agrandie par la venue de son fils, Anthony. Un peu de chômage, un poste aux Nations Unies, puis un départ à Chypre pour l’ONU. Pendant six ans, Christophe Girod met sur pied un projet d’exhumation et d’identification des restes humains pour les rendre à leurs familles. En parallèle, il navigue, fait de la randonnée et participe à la construction d’une école franco-chypriote.

Peu à peu, l’homme de terrain sent le besoin de sédentariser sa tribu et répond à l’annonce de l’Hospice général. Quitter l’international ne le contrarie pas. « Ce que j’aime, c’est relever des défis localement, conclut-il. Cette fois, je pourrai le faire pour ma communauté, chez moi. »

Tribune de Genève, Laure Gabus, 8 octobre 2012